La généalogie : un nouveau monde, ancien (I)

— Tu te souviens où se situe notre lien de parenté ? »

Désireux de répondre à cette question de ma lointaine cousine Élodie l’an passé, j’ai rassemblé quelques petites notes dont une que sa mère m’avait griffonnée quinze ans plus tôt la première fois que nous nous étions rencontrés. Je l’avais longtemps gardée, puis numérisée et conservée.

J’y ai ajouté les notes que prises lors de conversations avec mon oncle Max, décédé depuis, ainsi que celles de nos échanges avec ma tante Catherine, qui se porte bien, merci, à l’occasion de ma visite en Bourgogne en 2019 pour un mariage familial et une découverte faite avec mon père de lettres de Marcel PROUST à son grand-père maternel...

J’ai ressorti un arbre généalogique en ligne sur Geneanet que j’avais entrepris auparavant suite à une conversation avec un ami, Marc, qui s’était déjà passionné pour la question, et où j’avais conservé les informations que m’avaient données ma belle-mère Françoise. Tout cela arrivait au moment où j’achevai un autre projet, de cartes postales familiales, dont je parlerai une autre fois, qui m'avait permis entre autres d’identifier la première femme de mon grand-père paternel Paul.

Une fois mes informations en ligne, j’ai mis un premier doigt dans l’engrenage. J’étais certes déjà en mesure de répondre à la question initiale (cousins issus d’issus de germains, Anna PHILIPPE est notre ancêtre de 4e génération à tous les deux), mais j’ai commencé à compléter en parlant avec les parents, les oncles et les tantes, chez qui nous avons ouvert les albums et les boîtes de vieilles photos, pour identifier, recouper, se remémorer et surtout découvrir.

La généalogie, c’est tout à la fois un puzzle — on cherche de petites pièces qui doivent s’emboîter pour former un tout cohérent et juste —, une collection — dans la famille Chose, je cherche la mère, pour compléter ma 8e génération — et une confrontation à la question de l’exponentielle — à chaque fois qu’on découvre un individu, il en manque immédiatement deux de plus : ses parents !

La généalogie, c’est aussi une certaine émotion, à travers l’écriture des actes originaux tout d’abord, qu’on déchiffre avec difficulté, respect et appétit pour confirmer une date de naissance, un mariage, un décès. Ces dates qui nous montrent que les siècles passés, aussi profonds qu’ils puissent nous apparaître, ne sont remplis que de vies de quelques dizaines d’années, qui les balisent à hauteur d’Homme, de vies courtes ou longues, mais toujours à leur échelle très humaine, à leur rythme humain. Émotion aussi que de voir dans la répétitions des noms, des vies, des métiers et des villages, la constitution de peuples et de terroirs faits de ces briques humaines.

Émotion encore, voire vertige, quand la petite histoire, observée d’aujourd’hui, côtoie la grande, l’ignorant ou la vivant de près — je n’en sais rien — : une telle est née quelques jours avant Iéna ; ils se sont mariés à la finie la guerre de Sept ans ; il est mort juste avant que Christophe Colomb ne parte...

À l’heure où les écrans nous éloignent les uns des autres et où la peur des contemporains nous enferme, je visite donc un nouveau monde, ancien. Nouveau pour moi qui le découvre peu à peu ; ancien par sa profondeur temporelle. J’en étais récemment à découvrir des ancêtres directs nés en 1470 par exemple… Un monde certainement figé pour toujours mais qui évolue tout de même au fur et à mesure que je le parcours. En effet, tout n'arrive pas tout cuit. Un nouvel arrivant peut venir avec plus ou moins de détails, plus ou moins erronés, on le prend comme il vient. Plus tard on découvrira que telle date, telle orthographe, telle relation est discutable, voire contredite par un autre arbre, une autre recherche. Alors on choisira la version sourcée, ou mieux encore on ira voir ces sources, directement, pour trancher soi-même, ou pas.

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