Ukraine : un peu de contexte ?

— Que penses-tu de la situation en Ukraine ? » Pas facile de répondre à cette question. Non pas à cause de la complexité de cette situation mais plutôt à cause de l’incroyable déluge de propagande à laquelle nous venons d’être soumis en à peine 6 jours !

Kiev

Je n’avais encore jamais vu ça, aussi dense, aussi massif, aussi idiot, et en direct. Un peu sonné, il m’a fallu un peu de temps avant de me décider à écrire ceci, d’autant plus que je préfère peindre et marcher dans le maquis en ce moment.

Sur le fond, au-delà de l'évidente condamnation de l’agression russe sur l’Ukraine survenue ces derniers jours, il est important de prendre un peu de recul historique, géographique, linguistique et même religieux pour essayer de comprendre la situation. Non, l’histoire fraternelle et conflictuelle entre Ukraine et Russie n’a pas commencé cette semaine entre une gentille Ukraine « démocratique » et un méchant Poutine « fou »...

Donbass

Depuis 8 ans, le gouvernement de Kiev a lancé une offensive contre sa population civile du Donbass qui souhaite se séparer suite aux mesures prises contre elle. Il y a exactement 8 ans, un coup d’état, soutenu par l’Europe, les États-Unis et BHL — ça pouvait déjà nous aider à avoir des doutes — renversait le gouvernement ukrainien et faisait entrer au pouvoir des néo-nazis de différents mouvements, héritiers et continuateurs des nazis de la Seconde guerre mondiale et des collaborateurs de l’Allemagne dans sa croisade anti-bolchévique.

À l’époque, peu de média en parlaient mais l’information circulait encore sur ce sujet et ses ramifications. Je m’en souviens très bien et je mets ci-dessous un lien pour retrouver un dossier très complet sur la question.

OTAN

Mais on peut encore reculer dans le passé pour comprendre le conflit d’aujourd’hui et se souvenir qu’à la chute de l’URSS, en 1991, dans l’euphorie de la paix nouvelle, les responsables de l’OTAN, victorieux, avaient promis aux Russes de ne pas augmenter leur nombre de pays membres. Aujourd’hui ils sont 30, dont 14 sont des anciens territoires ou alliés de l’URSS, au plus grand mépris de leur parole mais surtout en créant une pression militaire dirigée contre la Russie.

Implantation des bases de l'OTAN autour de la Russie.

Le Macron va-t-en-guerre avait il y a peu assez justement diagnostiqué la « mort cérébrale » de l’OTAN. Quoi de mieux que la guerre pour redonner une nouvelle jeunesse belliqueuse...

L’Histoire

Mais on peut s’intéresser à l’histoire de l’Ukraine et de la région au-delà de ces décennies récentes :

  • en 1941, lors de la violente invasion nazie, vue comme une libération par certains Ukrainiens puis la violente libération soviétique vue aussi comme une nouvelle invasion en 1944 ;
  • en 1918-1921, lors de la guerre civile russe au sortir de la révolution bolchévique et de la Première guerre mondiale, et ses combats entre Blancs de Wrangel, Rouges de Trotsky, Ukrainiens de Petlioura, anarchistes de Makhno, Verts, Alliés débarqués à Sébastopol et Odessa ;
  • au XIXe siècle par les changements territoriaux qui ont vu la Galicie, l’oblast de Lvov, la Ruthénie, la Bessarabie, la Moldavie, la Transnitrie ;
  • au XVIIIe siècle, avec la conquête cosaque russe sur les Tartares de la Crimée et la fondation de Sébastopol, seul port en mer chaude de la Russie de la Grande Catherine ;
  • au XIIIe siècle avec les invasions mongoles venues ravager la région ;
  • Au IXe siècle avec la fondation par les Varègues venus de Scandinavie de la Rous' de Kiev, ancêtre commun à l’Ukraine et à la Russie d’aujourd’hui...

Tout autant de déchirements mais aussi de liens qui ont fait de cette région à la fois une marche, une passerelle, une frontière mouvante et un enjeu agricole et stratégique.

La question linguistique est aussi importante montrant une division de l’Ukraine par la langue : russe à l’est et ukrainienne à l’ouest, plus le polonais et d'autres… La question religieuse aussi vient diviser le pays, la Pologne ayant largement imposé à l’ouest un catholicisme sur des terres orthodoxes.

Bref, tout ceci, qui est très résumé en guise d’illustration, n’excuse par la violence, mais la place dans un contexte et il est évident qu’ignorer ce contexte ne pourra pas garantir une quelconque paix.

Paix

D’ailleurs, qui veut la paix ? Depuis 6 jours que l’offensive est lancée, je n’entends pas beaucoup d’appels au cessez-le-feu. À la place c’est un déferlement de dinguerie et de défoulement anti-russes, comme, dans le désordre :

  • Suppression du film Anastasia de la plateforme Disney,
  • Changement de noms de la poutine dans des restaurants québécois,
  • Communiqué du restaurant La Maison de la poutine à Paris, pour expliquer qu’il n’a rien à voir avec le chef d’état russe.
  • Images mensongères d’immeubles détruits des années auparavant ou de combats aériens fantômes ou tirés de jeux vidéo,
  • Reportage israélien sur l’Ukraine avec des images de Star War,
  • Interdiction des sportifs russes, valides et handicapés,
  • Interdiction des chats russes dans les concours félins,
  • Interdictions bancaires jamais vues encore,
  • Interdiction de commerce, de survol,
  • Volonté officielle de détruire l’économie de la Russie, affirmée par le Ministre de l’économie français Le Maire. Il a rétropédalé quelques heures plus tard après s’être fait sagement rabrouer par Medvedev,
  • Censure de médias ordonnées illégalement par l’Union européenne en Europe,
  • Fermeture de comptes Twitter en masse,
  • Envoi d'armes en Ukraine...

On ne parle pas de paix ; on vise la destruction de la Russie. Mais tous les journalistes, les commentateurs des réseaux sociaux et les responsables gouvernementaux occidentaux sont prêts à se battre... jusqu’au dernier Ukrainien ! Il est en effet plus facile et confortable de se coller un petit drapeau à la saveur du jour, de louer la ténacité ukrainienne et d’en ériger en héros le président Zelenski, qui quelques mois avant était surtout connu pour ses bouffonneries télévisuelles, sa villa de millionnaire, sa présence dans le scandale des Panama papers...

Cette semaine, 4 pays ont été bombardés : l’Ukraine par la Russie, la Syrie par Israël, le Yemen par l’Arabie Saoudite et la Somalie par les États-Unis. Il faut aussi y ajouter les Républiques de Donetsk et Luhansk par l’Ukraine. Où sont les émissions de télévision qui en parlent et les cartes des opérations militaires et les témoignages ? Je cherche aussi l’application pour mettre un petit drapeau syrien, yéménite, somalien ou du Donbass sur mon profil Facebook.

Conséquences

L’Europe crie au réarmement. L’Allemagne découvre qu’elle a plus d’armée et veut se voter un gros budget militaire supplémentaire. C’est quoi le projet : réarmer l’Allemagne pour qu’elle recommence vers l’est ? Et sans espérer pour la France le concours de la Russie comme dans les deux précédentes guerres mondiales ? Encore ?

Je plains amèrement les Ukrainiens de l’ouest, qui sont d’un côté agressés par la Russie et, de l’autre, se sentent abandonnés sur le terrain par les Européens et les Américains. Je compatis aussi avec leurs proches en dehors du pays, inquiets à court et à long terme. Ils rejoignent dans leur malheur leurs compatriotes de l’est bombardés depuis 8 ans.

Surtout je m’inquiète très fortement de voir des amis autour de moi souhaiter toujours plus de guerre, plus de destruction en soutien à une cause qu’ils ignoraient la veille encore et qu’ils n'ont découverte que cette semaine. Cette envie d’en découvre n’est pas seulement l’expression sincère mais désordonnée d’un sentiment d’impuissance. Elle ressemble surtout — et c’est glaçant — à l’engrenage de 1914…

Références

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