Aujourd’hui, il passe par là mais ce n'est pas lui qui voyage. Il passe par là étant dans le quartier et il se dit que, peut-être, si c’est la bonne heure, il verra arriver, au bout du hall principal, un autocar déposer ses passagers pressés de se dégourdir les jambes, ses passagères un peu fripées retapant leur tenue, les uns attendant un bagage, les autres s’éloignant au plus vite pour disparaître vers le hall, la sortie, le métro…
Aujourd’hui, il ne voyage pas — du moins pas physiquement —, il jette un œil, il attend un peu, il tourne un peu en rond, il ne veut pas attendre pour de vrai, il ne veut pas faire montre de cette lourdeur, il préfère tenter la légèreté du hasard — il passait par là — et regarde sur le tableau d’affichage des horaires d'arrivée dans quelle mesure ce hasard pourrait bien faire les choses.
Les passagers sont maintenant tous sortis, le chauffeur referme les larges portes des soutes de son autobus et grimpe à sa place, referme la porte et, annoncé par le bip-bip habituel de recul, s’éloigne du quai pour aller se garer ou reprendre d’autres passagers et ainsi réamorcer sa boucle vers Sutton, Sherbrooke, Québec, Ottawa, voire Rimouski…
Elle n’était pas dedans. Il repart.
La hasard reste maître et ce serait l'insulter que de rester jusqu’au prochain bus. Vexé, il gâcherait probablement tout.
Montréal, Septembre 2019