Reflets à 45° nord - Mot-clé - Romain GaryInstantanés, écrits, dessinés ou peints, pour créer, ramasser, voire partager ces reflets comme les pièces d'un puzzle qui dessine l'envie.2024-03-17T19:32:23+00:00Vincent Françoisurn:md5:2c2e9fac0308d7832e37bebbd9bebe31DotclearLa toile du goût des autresurn:md5:9e70ed577e1e28bf0b2d9ea91e374a922021-03-25T08:51:00-04:002021-03-25T09:01:31-04:00Vincent FrançoisPartagesCultureLittératureRomain GarySouvenirsÉcris !<p>Non, je ne parle pas de l'excellent film, <em>le Goût des autres</em>, que je vous conseille chaleureusement au passage. Je viens plutôt chanter la toile des goûts que l'on suit de découvertes en découvertes, de fils en fils, de relais en relais. Et plus vous courez sur cette toile et plus elle grandit, s'élargit, s'approfondit. C'est comme la connaissance : plus on en sait, plus on se rend compte qu'il en reste à savoir.</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Partages/.reseau_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p> <p>Comment ça fonctionne ? Attrapez un fil : faites-vous conseiller un livre, une œuvre, un auteur. Et si cela vous plaît, découvrez ce qui plaît à cet auteur et attrapez-en un autre fil puis continuez de proche en proche. Assez vite vous croisez des fils déjà suivis, assez vite se dessinent des pelotes qui sont autant de petits archipels de lieux, de souvenirs, de références, de clins d'œil, accueillants.</p>
<p>Une de ces chaînes pour moi se nomme Daniel Mermet à Romain Gary à Gabriel Garcia Marquez. En écoutant <em>Là-bas si j'y suis</em>, un invité a vaguement et rapidement mentionné <em>les Racines du ciel</em>, de Gary et Daniel Mermet a simplement lâché quelque chose comme « Ah oui, les racines du ciel... » ou un soupir qui pour moi en disait long. J'étais de passage à Paris et je suis allé rapidement dans une librairie m'offrir une grosse édition de cet auteur qui m'était alors complètement inconnu. Et je n'ai pas été déçu. Et j'ai suivi le fil jusqu'au moment où dans l'excellent <em>Affaire homme</em>, Gary dans un entretien, avoue que son auteur préféré était Gabriel Garcia Marquaz. Bingo ! Je l'avais déjà dans ma grille et j'en avais remonté le fil à partir d'un conseil moins personnel qui s'exprimait comme ceci : j'ai bientôt quarante ans et j'ai déjà entendu ce nom connu voire classique, essayons...</p>
<p>Et ça continue quelques années plus tard : une émission de radio qui s'appelle <em>Les racines du ciel</em> ne peut pas être complètement mauvaise, non ? Fort de ce préjugé positif, j'y ai trempé les oreilles pendant des années. Une émission intelligente sur les religions et la spiritualité, servie par des animateurs connaissant leur sujet et avides de partager des invités de qualité qu'ils dénichent et des extraits de lecture en onde. Bon titre ne saurait mentir, non ?</p>
<p>Et qu'y retrouvé-je en suivant ce nouveau fil religieux : un <em>starets</em>. Bien sûr celui des <em>Frères Karamazov</em> de Dostoïevsky avec qui j'avais passé de longues heures insomniaques il y a quelques années. Un <em>starets</em> à la semaine médiatique chargée puisque courant d'un studio à l'autre de France Culture, il était convoqué dans l'émission <em>Répliques</em>, d'Alain Finkielkraut qui me propose depuis longtemps tant d'invités et de sujets intéressants comme ce match ce jour-là entre Éros et Agapé.</p>
<p>Pas le temps de détailler, je suis maintenant Daniel Mermet et Zoé Varier dans les rues de St-Pétersbourg sur les traces de Raskolnikov – qui n'a pas l'air de bien aller – parti pour aller commettre son crime. Les habitants d'aujourd'hui leur donnent des indices aussi solides sur ce personnage du XIXe siècle que tout ce que l'architecture de la capitale de Pierre doit à Dostoïevsky.</p>
<p>Alors voilà pourquoi, à vélo, les écouteurs sur les oreilles, j'ai parfois un grand sourire. Plaisir égoïste, intellectuel et orgiaque qui croit que tout doit être entendu, connu, su ? Le jeu peut se jouer ou se relancer à deux ou plus : un cercle de lecture qui tourne avec douze fils à dévider par année ou simplement le hasard d'une conversation passionnante sur l'Afrique avec un amie passionnée : j'offre simplement les quatre mots du titre, qui font mouche, et je reçois en retour d'autres titres et un nouvel auteur : <em>Le loup des steppes</em> d'Herman Hesse, qui me ravit, <em>loup</em> que je repasse des années plus tard à une musicienne syrienne, etc.</p>http://45nord.net/index.php?post/20210325-La-toile-du-go%C3%BBt-des-autres#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/108Le monde d'hier, Stefan Sweigurn:md5:c97c3c13533f6727d56eacf75c9598702020-08-14T09:00:00-04:002020-08-14T09:10:29-04:00Vincent FrançoisLecturesEuropeGuerreHistoireMortRomain GarySouvenirsTemps<h3>Europe</h3>
<p>Aujourd'hui que l'Europe est synonyme de crise économique, de mépris des peuples, d'institutions anti-démocratiques, il est difficile de voir l'espoir qu'elle a représenté en plein tourment des deux guerres mondiales. Stefan Sweig, né autrichien dans une famille juive aisée et intégrée, d'un empire considéré comme solide, rêvant d'une citoyenneté de nomade européen, mourra en 1942, apatride, exilé d'un pays dont il aura connu l'éclatement de 1918 puis la disparition sous l<em>'Anschluß</em> hitlérien.</p>
<p>« il me restait du temps, après mon travail qui n'était pas trop absorbant, pour cet autre travail qui me paraissait le plus important dans cette guerre : préparer la réconciliation future. »</p>
<p><a href="http://45nord.net/public/Lectures/monde_d_hier.jpg"><img src="http://45nord.net/public/Lectures/.monde_d_hier_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p> <p>Cette volonté de croire en l'après-guerre et la reconstruction qu'elle permet m'impressionne beaucoup. Je la retrouve dans <a href="http://45nord.net/index.php?post/20200811-Danse-avec-le-si%C3%A8cle%2C-St%C3%A9phane-Hessel">Hessel</a> et sa volonté farouche de considérer les avancées de l'évolution de la conscience humaine non seulement possible mais en marche, lente, mais en marche tout de même. Elle me replonge aussi dans le superbe <em>Éducation européenne</em>, de Romain Gary, où des résistants au fond d'une forêt sur le front Est imaginent le monde d'après, un monde dont la guerre est le creuset. Je n'oublie pas non plus le programme du Conseil National de la Résistance de 1943 qui a bâti l'après-guerre, ses progrès sociaux et sa volonté de faire société.</p>
<h3>Témoignages</h3>
<p>Ce monde d'hier est aussi un double témoignage que nous livre Stefan Sweig, livré des deux extrémités de sa vie.</p>
<p>En 1881, il nous présente le « vieux » monde, révolu, mort avec dans les tranchées de la Première guerre mondiale, mais qui, étant son cadre de naissance, continue à lui servir de référence pour en mesurer le nouveau.</p>
<p>Mort en 1942, Sweig ne sera pas témoin du retournement de la Seconde guerre, de la défaire de l'Axe en 1945, des nouveaux espoirs de paix après guerre, de la création de l'ONU, comme <a href="http://45nord.net/index.php?post/20200811-Danse-avec-le-si%C3%A8cle%2C-St%C3%A9phane-Hessel">Hessel</a> encore, de la guerre froide qui a uni l'Europe occidentale contre un péril extérieur, du mouvement des non-alignés ni de la suite, bref de tous les événements qui continuent à faire du monde un endroit en changement permanent. Puisqu'il ne connaît pas la suite, son témoignage est d'autant plus précieux et crédible car brut, tiré du fond de son désespoir – il se suicide –. C'est ce qui lui donne une force très importante à mes yeux.</p>
<h3>Naïveté</h3>
<p>Au travers des pages, j'ai trouvé beaucoup de naïveté et une certaine faiblesse, assez typique du début du siècle. Par exemple, les regards sur les traits des peuples et leurs généralités supposées : « les Anglais », « les Allemands », des regards d'avant le grand mélange, d'une époque conservatrice, de la colonisation, de la supposée suprématie de l'homme blanc portant son « fardeau ». Cette naïveté d'intellectuel semble même laisser penser que Sweig a attendu les mensonges et les crimes de Hitler pour envisager même des notions comme celle de raison d'état.</p>
<p>« Il est difficile de se dépouiller en quelques semaines de trente ou quarante ans de foi dans le monde. »</p>
<p>Aujourd'hui, il me semble que nous soyons moins naïfs et même blasés au point de trouver normal de les États-Unis espionnent des pays alliés comme la France et l'Allemagne exactement comme ils espionnaient il y a 30 ans l'URSS, considérée ennemi, voire le Mal absolu. Cependant, derrière notre cynisme d'aujourd'hui, la naïveté reste vivace et l'auteur nous met en garde clairement : « cette foi heureuse et confiante en la raison, dont nous pensions qu'à la dernière heure elle arrêterait la folie, a été en même temps notre seule faute. »</p>
<p>Ou comme dirait Michel Audiard dans <em>Un taxi pour Tobrouk</em> : « Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche. »</p>
<h3>Montée du nazisme</h3>
<p>Comme un négatif de ce monde d'hier, empreint de nostalgie, et qu'il a connu du bon côté du manche, Sweig nous offre une description très didactique de la montée du nazisme. Il nous décrit très précisément comment le désordre, l'humiliation, le désespoir économique conduisent à l'ordre réactionnaire et sa violence qui se veut rédemptrice.</p>
<p>« un gigantesque désir d'ordre se manifestait dans tous les milieux de ce peuple, pour qui l'ordre a toujours eu plus de prix que la liberté et le droit – même Goethe a dit que la liberté lui paraissait plus fâcheuse qu'une injustice. Et quiconque promettait l'ordre avait aussitôt des centaines de milliers de gens derrière lui. »</p>
<p>« nous tous, en Allemagne et en Autriche, n'avons jamais jugé possible, en 1933, et encore en 1934, un centième, un millième de ce qui devait cependant éclater quelques semaines plus tard. » Quelques semaines...</p>
<h3>Œuvre très personnelle</h3>
<p>Cette naïveté politique, loin d'être un défaut pour notre témoin et pour l'intérêt de son témoignage, nous ouvre au contraire un regard personnel, empreint de retenue, de délicatesse et de respect qui met en lumière tout ce que le monde a perdu d'humanité en ce 20e siècle. Des <em>Reichtags</em> brûlent à intervalle régulier, Guantanamo a testé notre capacité à accepter n'importe quelle système carcéral extra-judiciaire. Ces tests sont exactement l'illustration de sa description de la politique hitlérienne.</p>
<p>« [Les nationaux-socialistes] appliquaient leurs méthodes avec prudence : on procédait par doses successibles, et on ménageait une petite pause après chaque dose. [..] on attendait un moment pour voir [..] si la conscience universelle supportait encore cette dose. »</p>
<h3>Qui écrit ?</h3>
<p>« Nous » voyage-t-il tout seul ? Est-il marié ? Me suis-je demandé au milieu de la lecture. C'est très peu clair et sa femme – à part à leur mariage en Grande-Bretagne – est à peine évoquée. Elle doit faire partie des bagages... C'est a priori assez étonnant de la part de cet homme empreint de tant de respect et de délicatesse.</p>
<p>Comme dans ses romans, Stefan Sweig aime à faire partager – et découvrir, pour moi – de nombreux artistes et leur œuvre, notamment par le fait qu'il les côtoie partout où il passe dans ses années de nomadisme pan-européen. J'ai ainsi découvert en le lisant Khnopff et Rops en peinture, Constantin Meunier en sculpture, Van der Velde, en arts décoratifs, Maeterlinck,en poésie, Émile Verhaeven, Walt Whitman, Romain Rolland...</p>
<h3>Liens</h3>
<ul>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Fernand_Khnopff#.C5.92uvre">Khnopff</a>,</li>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9licien_Rops#Galerie">Rops</a>,</li>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Constantin_Meunier#Galerie">Constantin Meunier</a>,</li>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Henry_Van_de_Velde#Photographies">Van der Velde</a>,</li>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Maeterlinck#Po.C3.A9sie">Maeterlinck</a>,</li>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Verhaeren">Émile Verhaeven</a>,</li>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/O_Captain!_My_Captain!">Walt Whitman</a>,</li>
<li><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Romain_Rolland#Romain_Rolland_et_Stefan_Zweig">Romain Rolland</a>,</li>
</ul>
<h3>Citations</h3>
<p>Mais c'est seulement dans les années de la prime jeunesse qu'on identifie encore le hasard avec la destinée. Plus tard, on sait que la véritable orientation d'une vie est déterminée du dedans. p.213</p>
<p>Mais cette foi heureuse et confiante la raison, dont nous pensions qu'à la dernière heure elle arrêterait la folie, a été en même temps notre seule faute. p. 238 (sur la Première guerre mondiale)</p>
<p>[..] facile, au moment d'une crise sérieuse, de soulever les peuples de part de d'autre de la frontière, malgré tous les essais d'entente, malgré nos propres efforts. p. 251</p>
<p>[..] il me restait du temps, après mon travail qui n'était pas trop absorbant, pour cet autre travail qui me paraissait le plus important dans cette guerre : préparer la réconciliation future. p. 272</p>
<p><em>Krieg auf Sieg, Not auf Tod</em> – guerre et victoire, nécessité et mort p. 272</p>
<p>un gigantesque désir d'ordre se manifestait dans tous les milieux de ce peuple, pour qui l'ordre a toujours eu plus de prix que la liberté et le droit – même Goethe a dit que la liberté lui paraissait plus fâcheux qu'une injustice. Et quiconque promettait l'ordre avait aussitôt des centaines de milliers de gens derrière lui. p. 422</p>
<p>Mais nous n'étions toujours pas conscients du danger. Le petit nombre des écrivains qui s'étaient vraiment donné la peine de lire le livre de Hitler, au lieu de s'occuper sérieusement de son programme, raillaient l'enflure de sa méchante prose. Les grands journaux démocratiques, au lieu de mettre en garde leurs lecteurs, les rassuraient quotidiennement : ce mouvement, qui en vérité ne finançait qu'à grand-peine son énorme agitation avec les fonds de l'industrie lourde et en s'enfonçant jusqu'au cou dans les dettes, devait inévitablement s'effondrer de lui-même le lendemain ou le surlendemain. p. 422</p>
<p>[..] en Allemagne on ne pouvait concevoir qu'un homme qui n'avait pas même achevé ses études primaires et qui, à plus forte raison, n'avait pas fréquenté l'université, qui avait couché dans des asiles de nuit et, pendant des années, gagné sa vie par des moyens aujourd'hui encore demeurés obscurs, pût jamais seulement approcher une [telle] place [..].</p>
<p>Le jour où [Hitler] conquit le pouvoir, la jubilation régna dans les camps les plus opposés. Les monarchistes de Doorn voyaient en lui le plus fidèle des serviteurs préparant les voies à l'empereur, mais à Munich, les monarchistes bavarois, partisans des Wittelsbach, ne manifestaient pas moins d'allégresse ; eux aussi le tenaient pour « leur » homme. Les nationaux allemands croyaient qu'il allait fendre pour eux le bois dont ils chaufferaient leurs poêles ; leur chef Hugenberg s'était assuré par convention la place la plus importante dans le cabinet de Hitler et croyait avoir ainsi le pied à l'étrier [..]. L'industrie lourde se sentait délivrée par Hitler de la crainte des bolchevistes, elle voyait au pouvoir l'homme qu'elle finançait en secret depuis des années ; et en même temps la petite bourgeoisie [..] respirait, pleine d'enthousiasme. Les petits commerçants se souvenaient qu'il avait donné sa parole de fermer les grands magasins [..] ; mais Hitler était surtout bien vu des militaires, parce qu'il pensait en militaire et insultait les pacifistes. Même les sociaux-démocrates ne voyaient pas son ascension d'un si mauvais œil [..], car ils espéraient qu'il les débarrasserait de leurs ennemis jurés, les communistes [..] même les Juifs allemands n'étaient pas très inquiets. Ils se flattaient [..] qu'un chancelier de l'Empire allemand renoncerait naturellement aux vulgarités de l'agitateur antisémite. p. 424-425</p>
<p>Il est difficile de se dépouiller en quelques semaines de trente ou quarante ans de foi dans le monde. [..] nous tous, en Allemagne et en Autriche, n'avons jamais jugé possible, en 1933, et encore en 1934, un centième, un millième de ce qui devait cependant éclater quelques semaines plus tard. p. 425-426</p>
<p>[Les nationaux-socialistes] appliquaient leurs méthodes avec prudence : on procédait par doses successibles, et on ménageait une petite pause après chaque dose. [..] on attendait un moment pour voir [..] si la conscience universelle supportait encore cette dose. p. 426</p>
<h4>L'Europe hors d'Europe, en Amérique du sud</h4>
<p>Une tâche nouvelle remplaçait l'ancienne : construire à une échelle plus vaste et avec des conceptions plus audacieuses la communauté que nous rêvions. p. 464</p>
<h4>Technique</h4>
<p>[..] on constate que toutes les conquêtes de la technique, grâce auxquelles il lui est possible de se rendre maître des puissances les plus mystérieuses de l'univers, corrompent en même temps son âme. p. 465</p>
<p>Un émigré russe : « Autrefois, l'homme n'avait qu'un corps et une âme. Aujourd'hui, il lui faut en plus un passeport, sinon il n'est pas traité comme un homme. »</p>http://45nord.net/index.php?post/20200812-Le-monde-d-hier%2C-Stefan-Sweig#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/82Impressions conscientesurn:md5:bdfc441b0c3224e6ef1cd354d30675932019-05-29T09:27:00+01:002019-12-28T04:56:08+00:00Vincent FrançoisRegardsImpressionMerRomain Gary<p>Assis au café de l'Orient il écoutait et regardait autour de lui mais avec une acuité qui se voulait différente. Déposant les jugements, les tentatives de compréhension ainsi que la prévision routinière d'éventuels dangers, il se focalisait sur chaque perception en elle-même...</p> <p><img src="http://45nord.net/public/Aquarelles/.2019-05-19_20.10.15_m.jpg" alt="Vue sur Montemaggiore depuis le port de Calvi" style="display:table; margin:0 auto;" title="Vue sur Montemaggiore depuis le port de Calvi, mai 2019" /></p>
<p>Ce chien qui jappait d'un petit bruit rauque et répétitif, ces oiseaux qui piaillaient depuis différents arbres du port autour de lui. Ces deux passants qui parlaient une langue inconnue, se rapprochant par là de celle des oiseaux. Encore d'autres oiseaux — des tourterelles roucoulant — interrompus bientôt par d'autres aboiements d'un chien plus tonnant.</p>
<p>Justement un autre chien venait de glisser à sa droite, pelage fauve, collier rouge, la langue pendante et l'air sérieux qu'ont les chiens et les hommes en mission. Et le revoilà qui passait dans l'autre sens, certainement appelé dans sa charge importante et devant répondre à une injonction toutes affaires cessantes.</p>
<p>Au moment où il prenait conscience de la sensation d'envie qui pointait sur sa langue et qui coïncidait avec le verre de lait frappé au café qui rappelait sa présence dans son champ visuel, le léger courant d'air frais qui se glissait sous son col se manifestait en lui donnant l'heure de ce début de soirée en cette journée nuageuse dont le couvercle s'appuyait encore sur les cimes des montagnes fermant la vue de la baie de Calvi. Plongeant la longue cuiller dans la chantilly pour assouvir cette brève envie de sucré, et sa tête tournant pour l'avaler, son regard y associa par la même forme longue et la même couleur blanche les jambes de cette grande femme très brune qui parlait quelques tables plus loin.</p>
<p>Il attrapait ainsi toutes ses sensations, en les faisant monter à sa conscience mais sans chercher à les relier à ce qui pouvait occuper son esprit d’habitude, en laissant les associations se s’établir toutes seules. Le tout en tentant de les décrire sur son téléphone au fur et à mesure avant de retourner se délecter de la lecture de son auteur favori, Romain Gary.</p>
<p>Au-delà de ce petit kaléidoscope d'impressions, il pensait au concept de port qui se dessinait à travers la vue des quais et des navires, à l'ouverture sur la mer, sur l’ailleurs, à cette frontière que représentait le bord du quai à deux pas de lui. Une ligne de démarcation oubliée entre le monde sec et celui humide des poissons, des crustacés et des algues, entre le monde civilisé des touristes, passants et serveurs et l’absurde dans lequel il plongerait s’il la franchissait là, maintenant, tout habillé…</p>http://45nord.net/index.php?post/2019/05/29/Impressions-conscientes#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/6Europa en période électorale européenneurn:md5:df615a81952e7e615e4517b565d877232019-05-28T11:25:00+01:002019-05-28T11:25:00+01:00Vincent FrançoisLecturesBeautéCultureEuropeHistoireRomain Gary<p>En pleine période électorale européenne, je découvre Europa, de Romain Gary, envoutant récit de personnages rêvés les uns par les autres sur fond de pensée de ce qu'est, ou a été, l'Europe.</p> <p><img src="http://45nord.net/public/Aquarelles/.20190526_121628-1-1-1_m.jpg" alt="Erika dans Europa, de Romain Gary" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>— <em>Dis, p'pa, qu'est qu'c'est, l'Europe?</em></p>
<p>— <em>En Angleterre, cela voulait dire : savoir mourir pour ses attitudes. En France : tenir toujours prête une excuse humanitaire. En Allemagne, cela n'a jamais signifié rien d'autre que l'Allemagne. L'Europe, oui... Un certain théâtre de l'esprit, purement gesticulatoire, où le public savait qu'il était joué, mais se délectait néanmoins du spectacle, où la France avait oublié son rôle, mais découvrait un souffleur génial : de Gaulle… </em></p>
<p>Ou encore :</p>
<p><em>Ce que l'Europe avait de plus caractéristique, ce en quoi elle se différenciait le plus nettement de l'Amérique et de l'Orient — bien qu'elle ignorât, ou fit semblant d'ignorer cette vérité scandaleuse, jamais avouée, mais dont est née toute la culture occidentale — c'est que, depuis le Moyen Âge, la priorité était donnée secrètement à la beauté. La justice était belle, les idées étaient belles, le sacrifice, l'héroïsme, la conscience, tout.cela était beau... Liberté, égalité, fraternité : l'exaltation dans la recherche de la perfection, du chef-d'œuvre vécu... Naturellement, ce n'était qu'une récitation : il suffisait de bien dire. La mise en pratique exigeait trop de générosité. L'idéalisme européen a été d'abord et par-dessus tout une esthétique.</em></p>
<p>p. 86</p>http://45nord.net/index.php?post/2019/05/28/Europa-en-p%C3%A9riode-%C3%A9lectoral-europ%C3%A9enne#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/5