Reflets à 45° nord - Mot-clé - CœurInstantanés, écrits, dessinés ou peints, pour créer, ramasser, voire partager ces reflets comme les pièces d'un puzzle qui dessine l'envie.2024-03-17T19:32:23+00:00Vincent Françoisurn:md5:2c2e9fac0308d7832e37bebbd9bebe31DotclearÀ sa placeurn:md5:905597cac5e59a14714e61f69fa2ac762023-04-09T16:14:00-04:002023-04-09T16:21:23-04:00Vincent FrançoisPoésieAmourCalviCorseCœurEnfantsImpressionPortraitPoésieSilenceÉcris !Église<p>Le visage complètement apaisé,<br />
Sa tête contre ce giron,<br />
Ses cheveux, son front sous la caresse.<br />
À sa place.</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Poesie/Main_P.png" alt="Grâce" style="display:table; margin:0 auto;" title="Grâce, avr. 2023" /></p> <p>Flore printanière,<br />
Innocence qui sait,<br />
Qui oubliera en florissant,<br />
Qui partira bientôt<br />
Ailleurs,<br />
Hors de cette bulle<br />
De tranquillité,<br />
D’amour pur,<br />
Évident.<br /></p>
<p>Et moi je témoigne,<br />
Touché par cette grâce,<br />
La grâce pascale,<br />
La grâce dominicale<br />
De cette vocation :<br />
Puisse-t-elle marcher toujours sur cette Terre sans être blessée.<br /></p>http://45nord.net/index.php?post/20230409-A-sa-place#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/409École de Lumiourn:md5:1b6e50bfbdb11a50dee6635b6b0037c52023-03-05T06:06:00-05:002023-03-05T16:43:00-05:00Vincent FrançoisAquarelleAquarelleArchitectureArtCorseCœurDessinDialogueEncreHumourLumioPeins !Vis !<p><a href="http://45nord.net/public/Aquarelles/2023/230327_E_cole_de_Lumio.jpg" title="École de Lumio"><img src="http://45nord.net/public/Aquarelles/2023/.230327_E_cole_de_Lumio_m.jpg" alt="École de Lumio" style="display:table; margin:0 auto;" title="École de Lumio, fév. 2023" /></a></p> <p>L'école de Lumio, bientôt remplacée, utilisée pour illustre mon petit dialogue sous forme de conte, <a href="http://45nord.net/index.php?post/20230227-L-heure-du-conte-%3A-le-vivre-ou-l-%C3%A9crire">“L'heure du conte : le vivre ou l'écrire”</a>.<br /> Aquarelle & Encre, 20 x 15 cm</p>http://45nord.net/index.php?post/20230304-E%CC%81cole-de-Lumio#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/405L'heure du conte : le vivre ou l'écrireurn:md5:72c993eee24bc41fef265e616fe5b5ff2023-02-27T17:16:00-05:002023-02-28T17:04:52-05:00Vincent FrançoisDialoguesAmitiéCalviCorseCœurDialogueEnfantsFemmeHistoireHumourLumioSouvenirsTempsVis !Écris !<p>— Ah c'est toi ? <br />
— Oui je me suis proposé pour les séances de lecture de conte et on m'a demandé de venir le faire ici. Est-ce que ça… ? <br />
— Non, non, c'est très bien. Qu’est-ce que tu vas leur lire ?<br />
— On m'avait dit que ce serait fourni sur place...<br />
— Je ne suis pas au courant. Tu veux que je te trouve quelque chose ?<br />
— Attends, je vais improviser.<br />
— Tu te sens d'attaque ?<br />
— Étonnamment, oui.<br />
— Je te les laisse donc.</p>
<p><a href="http://45nord.net/public/Aquarelles/2023/230327_E_cole_de_Lumio.jpg" title="École de Lumio"><img src="http://45nord.net/public/Aquarelles/2023/.230327_E_cole_de_Lumio_m.jpg" alt="École de Lumio" style="display:table; margin:0 auto;" title="École de Lumio, fév. 2023" /></a></p> <p>La maîtresse s’adresse à sa classe, attentive : <br />
— Les enfants, voici celui qui va vous raconter une histoire ce matin. Vous allez bien l'écouter et être bien sages… <br /></p>
<p>Elle se retourne vers l'invité : <br />
— Tu préfères que je sorte ?<br />
— Non, non, tu peux rester.<br /></p>
<p>— Bonjour les enfants, ce matin je vais vous raconter une histoire, une belle histoire.<br />
— Ça finit bien ?<br />
— Qui sait ? Tu souhaites que ça finisse bien ?<br />
— Oui, monsieur.<br />
— On verra. Moi aussi je le souhaite. C'est l'histoire d'une jeune fille et d'un jeune garçon. Il était une fois une jeune fille et un jeune garçon… Ils étaient un peu plus grands que vous quand ils se sont rencontrés pour la première fois.<br /></p>
<p>Les enfants sont tout ouïe. La maîtresse range discrètement quelques papiers, soulagée d'avoir un peu de temps à elle et un peu curieuse de l’histoire qui va être racontée à ses enfants.</p>
<p>« Quand ils se sont rencontrés, ils ont souvent joué ensemble, avec d’autres camarades, en vacances. Et le jeune garçon aimait beaucoup la jeune fille mais comme il était très timide, il n'osait pas le lui dire ni même imaginer le lui dire. »</p>
<p>Une petite fille très attentive bondit, le doigt avec tout le bras tendus en l’air :<br />
— Et elle ? Elle aimait le garçon ?<br />
— Je ne sais pas. Le jeune garçon non plus ne le savait pas et comme il n'osait rien dire, il ne risquait pas de le savoir, le pauvre.</p>
<p>« Et plus il la voyait, plus il l'aimait. Et plus il l’aimait, plus il se sentait incapable d'oser l’approcher. Il en venait à la voir comme une statue intouchable, comme une déesse inaccessible… Il en devenait malheureux. Alors comme il n'osait pas lui parler, il lui a écrit. Comme elle habitait loin et qu'ils ne se voyaient que pendant les vacances il lui a écrit mais n’a rien osé dire dans ses lettres. Il en a envoyé des lettres, raconté des histoire, dessiné... Quelque fois il la faisait rire, quelque fois elle en avait assez, mais il n'en savait rien. Elle ne lui répondait pas. Elle ne lui répondait jamais.</p>
<p>Quelque fois, quand ils étaient loin, il lui téléphonait. Il avait peur de la déranger, de paraître ridicule. Allait-elle être mécontente qu'il la dérange ? Allait-elle être irritée qu'il ose l’appeler ? Alors il n'osait pas, ou rarement. Et quand il osait, il se préparait à l'avance. Il choisissait une musique qui lui plairait, préparait ses phrases, puis il composait le numéro de téléphone tout tremblant. Et ils se parlaient. Et toutes les phrases préparées soigneusement dans sa tête s'envolaient ou se précipitaient toutes ensemble balbutiées, mélangées. À la fin quand il raccrochait, il se sentait nul, raté, inutile, humilié.</p>
<p>Alors ils ont grandi, loin de l'autre, chacun de son côté, ils ont construit leur vie d'adolescent puis d'adulte, toujours plus loin, à des milliers de kilomètres. Mais elle restait toujours présente dans le cœur du garçon et dans ses rêves. Quand il rêvait d’elle, plus de phrase bancale, de message sans réponse, de gêne : elle était dans sa maison, qui prenait des formes différentes à chaque rêve, et il rentrait comme on revient d'un voyage ou du travail. Elle l'accueillait alors en silence.</p>
<p>Un jour ce garçon, devenu un homme, est revenu. Il avait un peu vieilli mais le petit garçon a l'intérieur de lui restait bien vivant. Il est revenu et il a osé la revoir. Ils se sont raconté les vies qu'ils avaient vécues en parallèle. Il lui a raconté son chemin ; elle lui a raconté son drame, l'accident terrible qu'elle avait traversé. »</p>
<p>La maîtresse, un feuillet en l’air, a suspendu son geste, écoutant avec une attention renouvelée.</p>
<p>« Mais ce retour du garçon, c'était celui du passé, d'un passé merveilleux, plein de promesse où tout était encore possible pour chacun. Le garçon n'était plus tout à fait le même — il avait quand même un peu grandi finalement. Même si lui aussi aimait rêvasser du passé, il restait bien vivant dans le présent. Et il a continué à voyager. Et il a continué à revenir, de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps. Il aimait toujours la jeune fille devenue une belle femme. Elle ne lui répondait toujours pas.</p>
<p>Un jour qu'il était revenu, il a eu un grave accident de santé. Il a failli mourir et s’est demandé s'il était venu mourir ici, près de celle qu'il aimait depuis si longtemps, et qui ne le saurait peut-être pas. Il a trouvé l'idée joliment romantique mais comme il n'avait aucune envie de mourir, il a continué à vivre, alternant espoir fou et détachement raisonnable. »</p>
<p>— Et ça finit bien ?<br />
— Ça n'est pas fini. Peut-être qu'il se trompe à rêver des choses impossibles. Peut-être qu'elle ne l'aime vraiment pas. Peut-être qu'elle est au contraire prisonnière dans un donjon dont elle ne peut sortir et dont elle ne peut parler, avec des murs faits de règles, de désespoir, de punition. Et qu'il n'ose pas faire voler en éclat...</p>
<p>Les enfants semblaient perplexes, peut-être même un peu déçus. Il s’en rendit compte.</p>
<p>— Les enfants, vous voudriez que ça finisse bien ? <br />
— Oui ! », répondirent-ils en chœur, soulagés de pouvoir sortir de cette gêne en criant.<br />
— Moi aussi. Mais peut-être ne faut-il pas attendre la fin de l'histoire pour commencer à la vivre. D’abord, on vit ; après, si on le temps, on en écrit l'histoire.</p>
<p>Il sortit de l'école pour rentrer chez lui. C'était les vacances de février qui commençaient. Décrocherait-il son téléphone ? Lui répondrait-elle ?</p>
<p><em>Écrit dans le train entre Ponte Leccia et Calvi.</em></p>http://45nord.net/index.php?post/20230227-L-heure-du-conte-%3A-le-vivre-ou-l-%C3%A9crire#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/402La future belle-fille vient souperurn:md5:1496f28f484df64f63dd79462c9581b42021-10-25T00:59:00-04:002021-10-25T01:05:38-04:00Vincent FrançoisCovide ton cœurConversations voléesCovid19CœurHumour<p>— <em>Mon gars, double vacciné, vient souper chez moi samedi prochain avec sa blonde qui ne veut rien savoir du vaccin. Vais-je exiger qu'elle porte le masque dans ma maison ? Ou vais-je lui fermer la porte au nez comme on voit dans les annonces publicitaires ?</em>
<img src="http://45nord.net/public/Covid_ton_coeur/.Souper_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p> <p>— Si vous êtes vaccinés CONTRE la Covid et qu'elle ne l'a pas, que craignez-vous ? Avez-vous vérifié ses autres vaccins ? Êtes-vous à jour vous-mêmes ? Et pour la rage ? La dengue ? Vient-elle de nuit ? Est-ce la pleine lune, samedi ? Avez-vous un pieu en argent à portée de la main ?</p>http://45nord.net/index.php?post/20211025-La-future-belle-fille-vient-souper#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/160Dodipatouurn:md5:67e1d53f25dc209dce17d2c4ffbe19d12020-08-15T15:43:00-04:002020-08-15T16:02:43-04:00Vincent FrançoisPoésieBeautéCœurImpressionPoésieSouvenirs<p>Un dos<br />
Un dos dit tout<br />
Dit nuque<br />
Dit tête</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Poesie/dodipatou.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p> <p>Et que dit tête ?<br />
Rien<br />
Tête attend<br />
Tête porte</p>
<p>Port de tête<br />
Tête offre<br />
Offre la chevelure<br />
Nattée</p>
<p>Et que dit natte ?<br />
Natte rend hommage à nuque<br />
Natte voue nuque<br />
Natte et nuque attendent</p>
<p>Attendent que tête daigne<br />
Que tête daigne tourner<br />
Daigne tourner et offrir<br />
Son profil</p>
<p>Et le profil fait son entrée<br />
Avec tous ses apparats<br />
Du front droit, des pommettes saillantes <br />
Du nez fin, des lèvres rieuses</p>
<p>Holà, lâche ton pinceau deux minutes,<br />
Ta peinture à onomatopées<br />
De tactique toc de Russe blanc noir<br />
Et viens t'asseoir.</p>
<p>À la nuit au feu,<br />
Dore de couleurs, de chaleur,<br />
De paroles et de fromages,<br />
De cerises et de rires.</p>
<p>Puis lâche un peu l'extérieur,<br />
Au moins ne t'en contente pas.<br />
Creuse, pousse, soulève,<br />
Rencontre, parie et tu gagneras</p>
<p>Un voyage où les mots<br />
Sont des biographies complètes,<br />
Les sourires, des échecs,<br />
Les regards, des années de souffrance.</p>
<p>Ce qu'il faut que disent nos jambes<br />
Pour tenir debout, pour voler...<br />
Pourtant il n'y avait ni aile ni cicatrice,<br />
Sur ce dos.</p>http://45nord.net/index.php?post/20200815-Dodipatou#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/83Les paroles volent et jamais ne se posenturn:md5:0d7b2b6a99639dc0d54a9fabc68c88442020-07-20T09:00:00-04:002020-08-15T16:03:37-04:00Vincent FrançoisPoésieCœurHiverImpressionMontréalSouvenirsVis !<p>Devant une galerie de photos de béton<br />
Lavées de poussières, marbrées de blanches coulures,<br />
Feux d'artifice de craques, éclairés au néon,<br />
L'ouverture d'une œuvre qui frappe son propre mur.</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Nouvelles/.neige_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p> <p>Devant ces escaliers doubles, achalandés,<br />
Bouchés, noirs de monde à deux heures du matin,<br />
Tout autant à la descente qu'à la montée, <br />
Toujours plus haut pour découvrir l'art souterrain.</p>
<p>Devant ces blancs flocons qui dehors virevoltent,<br />
Tournoyant, enchantant, mais sans se déposer,<br />
On pourrait y distinguer quelques mots qui flottent, <br />
Planent, glissent, se cachent, mais sans se prononcer.</p>
<p>Plus évanescents, immatures, adolescents,<br />
Plus cachés encore et partageant le même air,<br />
Il faut sans doute être vraiment omniscient<br />
Pour sentir les gestes qui se cachent derrière.</p>
<p>Derrière l'épaule, derrière le dos, derrière l'instant,<br />
Le geste plane, froid, engoncé et gelé,<br />
Caché, peureux, dans son manteau, reste en suspens.<br />
Si le <em><a href="http://45nord.net/index.php?post/20200815-Dodipatou">dodipatou</a></em>, le geste demeure muet.</p>
<p>Derrière les beaux flocons, derrière le temps qui passe,<br />
Derrière le temps qui fuit, derrière son propre mur,<br />
Derrière son courage, derrière sa propre place,<br />
En retrait de la vie, derrière son futur...</p>
<p>Si le geste reste ballant et impotent,<br />
Même si les paroles jamais ne se posent,<br />
Elle écoute, elle voit, elle sait et elle entend :<br />
Ose écrire, ose lancer, laisse faire la magie d'Ose.</p>http://45nord.net/index.php?post/20200719-Les-paroles-volent-et-jamais-ne-se-posent#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/73Rencontresurn:md5:33342f9e135d828a23b4a796c3c0e39a2020-07-18T16:59:00-04:002020-07-18T17:30:16-04:00Vincent FrançoisNouvellesAfriqueCœurImpressionQuébecSouvenirsVis !Écris !<h3>Jacmel</h3>
<p><img src="http://45nord.net/public/Nouvelles/R_Jacmel.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>– <em>Apa li pati</em>!</p>
<p>– Et alors ? De qui parles-tu ?</p>
<p>– Le gars-là, le <em>jakopievèt</em>...</p>
<p>– Hum... pas remarqué.</p>
<p>Et il se resservit. C'est vrai que ce soir-là, c'était pas petite affaire, en tout cas. Les hôtes avaient préparé tout ce qui pouvait les réjouir en matière culinaire : plats typiques ou inconnus, <em>kibi</em> des Syriens, <em>konparèt</em> à la noix de coco, certains servis dans des <em>kalabous</em>, des fruits comme le savoureux <em>chadèk</em>. Et à boire : délicieux <em>boubouy</em>, <em>mabi</em> qui faisait retourner la tête et pour les <em>soulads</em>, on n'avait pas oublié les <em>begas</em>.</p> <p>– Tu disais ?</p>
<p>– Je dis : lui-là, c'est <em>jokman</em>-là... Je l'ai regardé bien-bien tout le temps.</p>
<p>– S'il était si mal habillé, pourquoi tu le regardes alors ?</p>
<p>– <em>Tèk</em> ! Tu sais très bien ce que je veux dire... J'ai pas dit qu'il était <em>abiye tankou Kongo Belizè</em>. Je dis : c'est <em>jokman</em>-là.</p>
<p>– Ah ? Et pourquoi ?</p>
<p>– Tout le temps, il parlait, il parlait, comme s'il voulait lui lancer un <em>cham</em>. Mais elle, c'est <em>poto mitan</em>.</p>
<p>– Alors, tu dis c'est un <em>kazwèl</em> ?</p>
<p>Elle claqua sa langue en signe de dénégation :</p>
<p>– Plutôt un <em>sousoubrake</em>.</p>
<p>– Tu exagères encore. Aujourd'hui, à la <em>ponponn</em>, nous l'avons rencontrée, elle. C'est vrai qu'il a comme reçu une <em>baf</em> en la voyant et je l'ai entendu murmurer dans sa barbe : <em>Wifout'! Ala yon bèl fanm!</em></p>
<p>– Et ?</p>
<p>– Et rien. J'ai vu, c'est tout, mais je vais lui donner un peu de <em>kouté</em>, il en aura besoin...</p>
<h3>Ville-Marie</h3>
<p><img src="http://45nord.net/public/Nouvelles/R_VIlle_Marie.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>« Les yeux... ». Qu'est-ce que je disais déjà ? Ah oui, mon couplet favori, bla bla... Et voilà que je continue, ce sont ces yeux posés sur moi qui me poussent à continuer, sans m'arrêter de parler. Quel bavard je fais finalement, mais c'est pour attraper ce regard, pour l'attacher, pour me faire attacher par lui, par elle. Et hop, je rebondis, jonglant entre considérations générales et anecdote particulière, mais sur un ton de légèreté tout de même, ne suis-je pas la subtilité même ? Pas sûr... Mais ses yeux.</p>
<p>Et puis c'est intéressant d'échanger sur ces mondes, ce continent si loin de nos valeurs, de nos habitudes et si riches de préjugés, de clichés. C'est un réel plaisir, justement, de partager le dépassement de ces clichés, qu'on a connus aussi, avant d'y aller les dissoudre, d'étaler ses surprises et ce qu'on en a compris finalement. C'est réjouissant de jouer des comparaisons entre cet ailleurs et notre présent, ces hier et l'ici que nous pensons connaître uniquement parce que nous ne l'interrogeons plus.</p>
<p>Nous étions ce soir-là un certain nombre de convives autour d'un excellent regard, en fait, d'un excellent repas, mais il y a des lapsus qu'on ne peut décemment pas effacer sans se renier. Que fêtions-nous ? un anniversaire, je crois : celui d'une de ces immigrantes venues de chez nous qui avait déjà fait la traversée dans les deux sens à deux reprises. Et autour d'elle, rassemblés, hommes et femmes, plus jeunes ou plus vieux, de toutes conditions.</p>
<p>C'était au cœur de ce printemps de Nouvelle-France qui fait jaillir la vie après la longue nuit sous la forme d'une nature exubérante qui doit, partie de pousses perçant les dernières neiges, accomplir tout son cycle en moins de cinq mois avant les prochains premiers gels d'automne. Croissance, floraison, fécondation, fruit et récolte, le tout au pas de course.</p>
<p>De toutes conditions et aussi de toutes origines. On retrouvait à cette table moult habitants et colons, mais aussi des natifs de plusieurs régions du vaste Canada. Peu d'autochtones, du moins considérés comme tels car tous avaient du sang des sauvages en eux et tous avaient appris habitudes et consensus de leurs prédécesseurs sur cette terre. Et chez les immigrants, presque tous venus de la lointaine France, on partageait à la fois le goût de la vie simple et rude d'ici et les plaisirs de la bouche et de la culture de la lointaine patrie. Et on célébrait tous ensemble autour d'une belle table garnie de force plats gourmets, marquée d'un beau raisin, d'un bleu qui fait les bons rouges bordeaux.</p>
<p>Pour un premier mai, ce fut une activité peu commune qui réunit les invités. Au lieu de profiter de cette belle journée ensoleillée pour déménager ou aider les voisins à le faire comme le veut notre coutume de la corvée, l'hôtesse avait organisé une promenade à cheval sur tout le territoire du Mont Royal avec les plus courageux. Depuis sa demeure le petit groupe de cavaliers avait suivi un chemin connu d'elle seule qui devait culminer au sommet de cette montagne qui domine Ville-Marie et le majestueux St-Laurent.</p>
<p>Et c'est en chemin que nous rencontrâmes une singulière cavalière. Sans doute était-ce une convive de plus qui rejoignait en retard la petite troupe et qu'on avait la chance de croiser avant qu'elle ne nous manque. N'y prêtant tout d'abord qu'un intérêt poli – le départ avait été souvent reporté et un arrêt de plus n'était qu'un retard de plus – c'est peu à peu une silhouette et une allure générale, à contre-jour, qui se sont imposées. Puis, m'habituant à ce contre-jour, ses yeux me sont apparus, puis ce visage, puis à nouveau cette silhouette, puis ces yeux.</p>
<p>La petite excursion prenait une toute autre couleur avec cette apparition ! Quelle ne fut ma déception quand je compris que la cavalière ne se joindrait pas à nous pour l'après-midi et que la rencontre n'était que fortuite. Aussi fortuite que brève, mais elle m'avait marqué fortement et je fus bien aise d'apprendre qu'elle nous rejoindrai plus tard au souper.</p>
<p>Et nous revoilà à ce souper. Et l'espoir de les revoir est comblé par ces yeux et la jolie et passionnante créature qui les porte et je me suis mis à parler, à parler...</p>
<h3>Khartoum</h3>
<p><img src="http://45nord.net/public/Nouvelles/R_Khartoum.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>« Voici ce qu'il me racontait à l'époque. C'est la dernière fois semble-t-il qu'on ait eu de ses nouvelles. Et à chaque fois qu'il me racontait cet épisode, je voyais son visage se fermer, ses yeux se voiler, comme s'il regardait à l'intérieur de lui-même ou alors à l'extérieur du monde. Et il me faisait peur.</p>
<p>« Peur de quoi ? Peur qu'il nous ait quitté pour de bon et qu'il ait touché un rivage, au-delà de la mer de la déraison, qu'il ait abordé un monde de folie. Qu'il se soit replongé dans ce souvenir et qu'il n'arrive plus à départager entre deux extrêmes de félicité et de désespoir.</p>
<p>« Et il me faisait à chaque fois le même récit, avec la même intensité que je ne saurais rendre vraiment ici. Son histoire tournait toujours autour d'une certaine rencontre, à Khartoum au Soudan. S'échappant de sa mission dans la capitale – il y étudiait le <em>fulfulnde</em>, je crois – il lui avait donné rendez-vous pour boire un verre.</p>
<p>– La revoilà donc...</p>
<p>– Oui.</p>
<p>– Et pas de Corto Maltese ni de Jerekh Carnelian dans le coin, ce coup-ci ?</p>
<p>« C'est vrai qu'à l'instar de ces deux personnages de fiction, ST se trouvait toujours plus ou moins présente à différents endroits de la planète, avec une prédilection pour des zones de trouble : Haïti, Ukraine, Pologne et ici-même, bien entendu. Certains affirmaient l'avoir aperçue à plusieurs endroits en même temps, ce qui ne pouvait que renforcer son statut mythique. Les plus logiques en tiraient la conclusion qu'elles étaient plusieurs, voire même organisées entre elles au profit d'une organisation occulte.</p>
<p>« Mais toutes ces rumeurs étaient principalement le fait de sources peu fiables, d'individus n'ayant jamais vraiment rencontré ST ou ne pouvant vraiment le prouver. C'était plutôt une gracile silhouette aperçue, une présence ressentie proche et surtout le regard perçant qui revenaient dans les commentaires recueillis par des enquêteurs arrivés toujours trop tard.</p>
<p>« Pour qui travaillait-elle vraiment ? Pour elle, pour ses « sœurs », pour toutes et tous étaient des réponses qui ne satisfaisaient personne car elles étaient trop simples.</p>
<p>« Quoiqu'il en soit, il l'avait rencontrée au bord du Nil à Khartoum par une soirée d'une lourde canicule qui s'éternisait en ce début décembre. Ajoutant à la chaleur de plomb un vent venu du désert commençait à répandre son sable sur tout le Souq El Arabi.</p>
<p>– Et que s'est-il passé ?</p>
<p>« Alors il évoquait des heures de discussion, à la fois comme un moment en très agréable compagnie, et comme une lutte contre un sortilège, un djinn, mais pas pour se défendre et fuir ce sortilège, mais plutôt pour le le rattraper, danser avec, le rejoindre et s'y fondre. Et là, j'avoue que je décrochais un peu. Il avait reconnu chez ST – quelle drôle d'idée de porter comme nom les initiales du préfixe d'immatriculation des avions du Soudan ! – quelque chose de commun qui le fascinait, l'envoûtait, lui faisait prendre des risques et...</p>
<p>– Bah, il était amoureux, ton bonhomme, c'est tout. Pas de quoi fouetter un chat. Et il ne devait pas être le premier dans Khartoum à rêver ! Au moins, il peut se targuer d'avoir très bon goût !</p>
<p>– Sans doute. Moi aussi je l'ai pensé et je me suis même amusé à le titiller là-dessus. Mais il ne me dira rien, je le connais. Alors je reste partagé sur la question... Tu peux sourire, il n'avouera pas, crois-moi.</p>
<p>– Il a honte ?</p>
<p>– Non, certainement pas. C'est juste qu'il ne se sent pas capable de parler de ça sans – comment dire ? – sans exploser, sans se décomposer, sans se perdre. Ce sont ses mots.</p>
<p>– Bon, si tu veux. Continue...</p>
<p>« Oui, il me parlait aussi d'un manuscrit qu'il lui avait remis, en rapport avec les Caraïbes ou bien d'un repas en Amérique. Et des animaux aussi : un loup qui rencontre une hermine ; une hermine qui lui donnait une claque, sans doute une espèce de fable...</p>
<p>« Et puis ils sont partis tous les deux marcher dans le désert aux portes de Souq El Arabi. Le vent avait forci, mais ils l'avaient alors dans le dos. Et chaque fois qu'il évoquait cette longue marche dans le sable, je sentais bien que je le perdais à nouveau. Il me parlait de son si beau visage enroulé dans son voile et je voyais bien qu'il partait quand il évoquait la bordure de fourrure et la neige qui nimbait son regard d'une intensité magique. La neige... à Khartoum.</p>
<p>« Puis, comme je te disais, son visage se fermait et il écourtait le récit de son long retour, vent debout, seul à affronter le vent et son souvenir.</p>
<p>– Et tu dis qu'on ne la plus revue, elle, depuis ?</p>
<p>– Pas que je sache.</p>
<p>– Ça fait de lui un suspect, avec tout ce que tu racontes.</p>
<h3>Lemberg</h3>
<p><img src="http://45nord.net/public/Nouvelles/R_Lemberg.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>– Messieurs, de la tenue, s'il vous plaît.</p>
<p>En exhortant ses camarades, il claqua légèrement des talons et tira sur sa vareuse pour en effacer les légers plis que leur chevauchée venait de produire sur son bel uniforme bleu de <em>Kaiserlich und Königlich Dragoneroffizier</em>.</p>
<p>Avec l'air martial et arrogant des jeunes officiers en cet été 1914, ils entrèrent dans la pièce principale du rez-de-chaussée de la demeure bourgeoise de la place Adam Mickiewicz et grimpèrent sans tarder l'escalier qui menait à l'étage où se tenait la petite réception.</p>
<p>Loin du chaos, des contre-ordres et des manœuvres qui lançaient les unes contre les autres huit armées austro-hongroises et russes, l'atmosphère de la place reflétait une certaine insouciance fin-de-siècle et chacun y affectait une assurance de bon ton.</p>
<p>Arrivé à l'étage, il salua respectueusement l'hôtesse, s'enquit poliment des nouvelles des uns et des autres puis se mit en chasse. C'était son expression, tout à la fois grivoise et solennelle dans son esprit. Parcourant les pièces d'un pas vif, il aperçut rapidement celle qui aurait bientôt – d'après lui – le bonheur de bénéficier de l'honneur d'être à son bras...</p>
<p>Sa silhouette altière et souple, sa grâce naturelle et son regard envoutant, réunis en une seule personne du beau sexe, excitèrent immédiatement sa convoitise. La jeune femme, la trentaine mais qui paraissait encore plus jeune que son âge, le vit arriver, le devina rapidement mais ne se troubla point. Elle l'avait reconnu.</p>
<p>Sofiya Anatolievna Topinine, issue de la noblesse ukrainienne se trouvait en Galicie depuis peu quand la guerre avait éclaté et certaines rumeurs voyaient sa présence comme une avant-garde en jupons de l'armée russe qui, à peine mobilisée, avançait sur tout le front. Très instruite – elle avait beaucoup voyagé – et très indépendante, elle suscitait une curiosité mêlée de jalousie de la part de ses consœurs d'une aristocratie en sursis que les quatre années de guerre allait balayer des deux côtés de la frontière.</p>
<p>D'où venait-elle ? On a dit qu'elle était d'extraction noble ukrainienne, mais il nous faut ajouter que cette information n'était corroborée d'aucune façon et qu'une enquête sérieuse ne pouvait s'en prévaloir décemment. À l'inverse des invités de cette petite fête d'avant la tourmente, nous savons de bonne source qu'elle venait en fait de Scandinavie, probablement du Danemark, Aalborg ou Helsingør et même peut-être avant de la lointaine Amérique, ce qui faisait d'elle un sujet de Sa Très Gracieuse Majesté et non du Tsar de toutes les Russies.</p>
<p>En dépit des prétentions qu'il nourrissait à l'égard de Sofiya Anatolievna, notre officier, légèrement arrogant, eut toutes les peines du monde à produire l'impression qu'il souhaitait donner. Lorsqu'il croyait fixer son attention, la jeune femme lui échappait habilement en introduisant telle ou telle personnalité de la réunion. Et quand il arrivait diplomatiquement à se débarrasser de la cousine polonaise ou du grand-oncle biélorusse, elle tombait dans un mutisme qui le désarmait, lui le beau-parleur. Mais les yeux l'épiaient et s'il pouvait se rassurer en pensant qu'ils lui disaient tout ce que la bouche ne livrait pas, il était bien incapable d'en tirer la moindre information.</p>
<p>La soirée avançant, il prit congé, un peu dépité, avec un partie de ses hommes, laissant les plus galamment engagés.</p>
<p>– Attention à la Tupiensen, lui glissa son lieutenant Jeremias Kornelius, je la connais...</p>
<p>Il ne fit pas vraiment cas de ce conseil étrange provenant d'un homme qui l'était tout autant et sortit. Cependant, malgré la chaleur nocturne, il ne put réprimer un petit frisson en franchissant la porte de la demeure pour se retrouver devant la statue d'Adam Mickiewicz.</p>
<p>Le lendemain, son unité devait continuer à avancer au nord de la capitale galicienne pour aller reconnaître les avant-postes de la 5e armée russe entre Sokal à l'est et Tomaszow à l'ouest dans une région marécageuse. La journée était lourde et humide, les chemins difficiles et son détachement ne rencontra personne jusqu'au début de l'après-midi. Soudain, un groupe de cavalier surgit au loin et une course poursuite s'engagea immédiatement pour tenter de les identifier. À cette distance, il était très difficile de reconnaître les uniformes, quand le lieutenant Kornelius maugréa, l'œil noir : « C'est encore elle ! »</p>
<p>Notre officier comprit immédiatement que la chasse militaire se doublait d'une autre forme de chasse et redoubla ses coups d'éperon pour gagner sur les cavaliers en fuite. Il redevenait le loup chassant en meute qui l'avait si souvent inspiré dans la steppe.</p>
<p>La poursuite dans les chemins entre les bosquets et les marais dispersa si bien les cavaliers qu'il se retrouva rapidement tout seul et ne s'en rendit compte qu'au moment où il fut forcé de ralentir pour passer un petit gué. À mi-chemin entre Sokal et Tomaszow, il hésita sur la route à prendre pour retrouver ses compagnons ou continuer la poursuite seul.</p>
<p>Sous le soleil de plomb, sa première impression fut de s'étonner du lourd silence qui régnait autour de lui, à peine entamé par sa monture reprenant son souffle et son sabre pendant à son flanc gauche. Il choisit une route puis l'autre et commença à s'inquiéter vaguement de l'absence de bruit : aucun son de cavalcade, de combat, pas plus que de chant d'oiseau ou de bruissement de feuilles. C'était non seulement étrange, voire anormal mais très désagréable.</p>
<p>Il se rendit compte qu'il n'avait pas l'occasion de se retrouver face à un tel silence, que ce soit dans sa vie de caserne ou à la ville et commença à se sentir très mal à l'aise. Un peu dépité d'abandonner cette double poursuite et de plus en plus désemparé, il chercha le chemin du retour pour regrouper sa troupe et tenter d'oublier ce malaise grandissant.</p>
<p>Le silence lui fit prendre conscience des pulsations de son cœur qui semblaient à la fois être la preuve de la vie qui l'habitait mais aussi battait comme un appel envers la jeune femme de la veille et qu'il était sûr de poursuivre quelques minutes plus tôt.</p>
<p>Il ne vit pas les yeux ni n'entendit derrière lui la gracile silhouette habillée de noir qui s'avançait, furtive comme l'hermine. Le silence l'avait totalement enveloppé et il ne percevait plus que son rythme cardiaque qui appelait et que le silence commençait à étouffer peu à peu. Un sentiment de panique s'empara de lui quand il comprit que ce silence destructeur entrait en lui jusqu'au plus profond de sa vie et qu'il allait s'y perdre.</p>
<p>Incapable de proférer la moindre parole ni le moindre cri, il sortit de ses fontes en tremblant une feuille et de quoi écrire pour griffonner quelques mots, en équilibre sur sa monture.</p>
<p>Son cœur battait et appelait de plus en plus vite. Elle entendit certainement cet appel mais conserva le silence.</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Nouvelles/R_fin.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Sur le papier chiffonné, malgré une écriture malhabile et tremblante, on pouvait distinguer quatre noms de ville : Jacmel, Ville-Marie, Khartoum et Lemberg.</p>http://45nord.net/index.php?post/20200718-Rencontres#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/72Crêpes saléesurn:md5:4342fd6a4af7e7e424b6e43bbf712f142020-07-09T09:30:00-04:002020-07-09T09:30:00-04:00Vincent FrançoisNouvellesCœurÉcris !<p>– Qu’est-ce que tu as? Tu en fais une grimace… Tu n’aimes pas? »</p>
<p>– Si, si, c’est juste… un peu salé... »</p>
<p>– Et? T’aimes pas? »</p> <p><img src="http://45nord.net/public/Nouvelles/toque_rouge.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>« De quoi se mêlait-elle, se disait-il, c’est juste un peu plus salé que d’habitude, pourquoi faut-il qu’elle vienne encore me chercher là-dessus? »</p>
<p>« Qu’est-ce qu’il fricote encore? Toujours à râler, à trouver trop ceci, trop cela... », pensait-elle de son côté. Elle ne voulait pas l’admettre mais elle aussi avait trouvé un peu trop salée sa propre crêpe… au caramel. Sans doute un caramel aux trois sels de mer de Guérande des sept bonheurs, cueilli à la pleine lune avec la main droite, se moqua-t-elle in petto.</p>
<p>À la table d’à côté, un homme seul, absorbé dans ses pensées, mangeait lentement. Rien sur son visage ne trahissait ses réflexions. Portaient-elles d’ailleurs sur l’équilibre du monde, le sens de la vie, ses enfants, son emploi du temps, ses vacances, ses amours? Il dégustait lentement un dessert – une gaufre maison au chocolat noir – et à chaque bouchée, tandis que se répandait dans sa bouche les arômes de la pâtisserie, il observait monter une certaine émotion sans en déceler complètement la cause.</p>
<p>Plus près de la porte, deux jeunes femmes buvaient leur café en riant. Elles semblaient s’être retrouvées depuis peu et souriaient constamment tout en entrecoupant leur dialogue de rires un peu énervés presque forcés. Jusqu’au moment où l’une d’elle éclata de rire quand sa complice évoqua le goût de salé de son propre café. À peine sorties de leur long fou-rire étouffé, elles se relançaient l’une l’autre en tirant la langue pour marquer en exagérant leur goût étrange de leur boisson…</p>
<p>Plusieurs clients semblaient, chacun de son côté, sentir que quelque chose était différent : les habitués identifiaient plus ou moins cette différence, les nouveaux s’interrogeaient ou non sur l’impression que leur laissait leur langue, mais tous, peu à peu, se rendaient compte que leur plat, quelqu’il soit, était plus salé que la normale, plus salé que d’habitude, trop salé, quoi.</p>
<p>Même certains serveurs commençaient à sentir dans les mouvements aux tables qu’il y avait quelque chose d’inhabituel dans l’air et se tenaient sur leurs gardes pour intervenir et répondre avec sourire et efficacité aux éventuelles demandes des clients attablés.</p>
<p>Par acquis de conscience, sans trop savoir pourquoi, l’un d’eux retourna en cuisine. Il n’y trouva rien d’inhabituel : la jeune et jolie cuisinière qui y officiait depuis plusieurs semaines était affairée un peu plus loin à préparer des poches de fromage pour le coup de feu du soir. Il observa un instant, vue de dos, sa toque rythmant les mouvements de sa tête et revint se poster en salle dans l’attente d’une possible demande de clients.</p>
<p>L’homme seul continuait à manger, son carnet près de son assiette, sur lequel il semblait écrire assez rapidement, tandis qu'il focalisait son regard sur chacune des tables autour de lui. Des conversations avaient repris, portant sur le sel, la mer, ou bien ayant complètement oublié le goût identifié, pour se porter sur d’autres sujets. Certaines assiettes restaient inachevées, beaucoup de verres d’eau se vidaient, remplis par les serveurs contents d’être utiles après cette légère impression d’inquiétude…</p>
<p>L’homme écrivait toujours. Il contait l’histoire d’une jeune femme dont il vantait avec admiration les qualités créatives, le courage, la détermination tout autant que l’élégance, la sensibilité et l'appétit de vivre, de tout connaître, de tout embrasser. Il racontait comment elle osait et apprenait à écrire : des textes, un début de roman, un autre, un journal, des chansons aussi, ainsi que leur musique, et qu’elle voulait chanter en plus. Il décrivait la subtilité des textes, de leur poésie, de leur équilibre instable, d’où naissait leur magie et l’attirance qu’il avait pour elle.</p>
<p>Il racontait la fragilité et la force qui émanaient d’elle ainsi que, jouant sur ces contrastes, le grand écart entre sa boulimie de vie et sa difficulté à accepter de se cantonner à prendre et tenir une place dans la société, son petit boulot alimentaire d’employée aux cuisines, la pression qui pesait sur ses épaules, pression née de la peur de perdre son temps, de perdre sa vie à la gagner, pression de répondre aux exigences des clients, sans place à la créativité, à l'invention. Elle était cuisinière, épuisée par ses heures de travail, pleurant au fond de sa cuisine – juste à côté – de lourdes larmes… salées.</p>
<p><em>Août 2018</em></p>http://45nord.net/index.php?post/20200708-Cr%C3%AApes-sal%C3%A9es#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/69Silence? Moteur!urn:md5:c2b7082edb58e44bdd80e67e3d11ec372020-07-08T18:54:00-04:002020-07-08T18:59:21-04:00Vincent FrançoisPoésieCœurImpressionPoésieSilenceÉcris !<p>Silence, attente...<br />
Attente dans le silence.<br />
Et c'est la déception et l'amertume.<br />
Et c'est le dégoût puis la colère...<br /></p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Poesie/.France08_125_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p> <p>Non, protège-toi de ta propre colère, <br />
Oublie, laisse passer, quitte, abandonne.<br />
Fais tout sortir de ta vie : causes et conséquences,<br />
Remplis-en tes poubelles du passé...<br /></p>
<p>Alors tu y gagneras liberté et légèreté.<br />
Tout sera plus amusant.<br />
Tout sera plus tentant.<br />
Tout sera plus ouvert.<br /></p>
<p>Alors tu pourras te lancer<br />
Dans des projets et des défis<br />
Dans l'ordre et la méthode<br />
Dans la confiance en soi qui offre les objectifs et même les résultats.<br /></p>
<p>Et soudain, surprise, autour d'un croissant, <em>j'ai tout retrouvé, hélas,</em><br />
Comme une explosion au ralenti, une démolition de ces fondations nouvelles :<br />
Les questions, l'ennui, le sens de la vie, <br />
Le vide, la solitude et le silence.<br /></p>
<p>Silence? Moteur!<br />
Casse le cycle et transforme,<br />
Exprime, en art, en mots, en style,<br />
Recycle et tourne la page.<br /></p>
<p>Silence, moteur, on tourne.</p>http://45nord.net/index.php?post/20200706-Silence-Moteur%21#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/66Premier anniversaire de ma seconde vieurn:md5:fbe2faa9fcf2f6ed6f4d602ae26eecd42020-05-05T15:23:00-04:002020-05-05T15:25:40-04:00Vincent FrançoisConfinementCœurImpressionTempsVis !<p>C’est aujourd’hui le premier anniversaire de ma seconde vie. Il y a exactement un an, j’étais frappé par un <a href="http://45nord.net/index.php?post/2019-05-08-Pret-Partez-Patratas">infarctus à mon réveil</a> à Calvi et je partais pour l’hôpital.</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Regards/.2019-05-09_09.27.54_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p> <p>Quel bilan puis-je tirer de cet accident ou plutôt des nouvelles directions qu’il a pu donner à ma vie? Qu’est-ce que ma seconde vie a de commun et de différent de la précédente ? Je me pose la question depuis quelques jours, sans y trouver de réponse bien claire.</p>
<p>Ce que je vois aussi, c’est que je me posais ce genre de question à la sortie de l’hôpital et lors de mon séjour de convalescence en Corse et en Bourgogne et que cet anniversaire peut être le moment pour moi de replonger dans les interrogations de cette période, dans mes lectures du moment, mes rencontres, mes notes, mes extraits de journal.</p>
<p>Bref, plutôt qu’un bilan statique, objectif et marqueur d'une instantanéité, je vais m’atteler à me retrouver dans cette époque, comme une dynamique, un mouvement.</p>
<p>Quelle meilleure période que celle de ce confinement durable et de ce déconfinement instable à venir pour plonger dans cette source de pensée et d'actions frappée du sceau de la renaissance?</p>http://45nord.net/index.php?post/2020/05/05/Premier-anniversaire-de-ma-seconde-vie#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/38Le langage des fleurs, genreurn:md5:7d7220eeb4b9a7c70ceee3323b10ffb12020-05-02T09:36:00-04:002020-05-02T13:14:39-04:00Vincent FrançoisPoésieBeautéCultureCœurJardinPoésieVis !<p>Qui parle encore le langage des fleurs ?<br />
Cette langue qui permettait de dire amour ou condoléances, <br />
Salutations, amitiés, rendez-vous, fidélité, mystère, pardon, bonheur, <br />
<em>Vergißmeinnicht</em>, ne m'oubliez pas,<br />
La couleur et les sentiments,<br />
La pureté du blanc, son raffinement, son élégance,<br />
Ou la discrète délicatesse du violet,<br />
L'ardeur écarlate de la passion,<br />
La lumière du jaune,<br />
La douceur du rose...</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Poesie/.95302709_594795577797271_3978110440984000822_n_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p> <p>De nos jours, on bricole, plutôt :<br />
Des lys blancs d’admiration, <br />
Mêlés de roses d’un carmin profond et chaleureux,<br />
Mais y met-on plus qu’un agencement classique ?<br />
Fait-on taire les fleurs par l'esthétique ?</p>
<p>Car aujourd’hui si les fleurs parlaient,<br />
Elles risqueraient de crier à la destruction de la Nature <br />
À l’holocauste de leur espèce, ou pire à leur élevage en batterie,<br />
Leur transport polluant, leur stockage énergivore, <br />
Très loin du bouquet d’églantines cueillies en sifflant sur la colline.</p>
<p>Un langage perdu,<br />
Comme un autre,<br />
Comme ceux de la galanterie,<br />
Devenue suspecte,<br />
Ou comme notre langue commune et ses adjectifs,<br />
Sa précision ou ses nuances.<br />
Genre.</p>
<p>Alors à défaut de savoir coder un bouquet <br />
Dans l’espoir de te savoir le décoder,<br />
Voire de connaitre tes fleurs préférées,<br />
Il reste toujours le parfum des crèmes glacées, non ?</p>http://45nord.net/index.php?post/2020/05/02/Le-language-des-fleurs%2C-genre#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/37Prêt? Partez! Patratas...urn:md5:1d35cb7929b5537858f2784c9bb1e04c2019-05-08T14:07:00+01:002019-05-09T07:00:52+01:00Vincent FrançoisPersonnelCœurSanté<p>Le lendemain matin du jour où je relance ce petit blogue, visant à y trouver des occasions de partager des mots, des images, des sensations, patatras : je me réveille en me tordant de douleur sur mon lit, une oppression vive sur toute la cage thoracique, plutôt à gauche, diffusant dans le haut des bras et la mâchoire... Ceux qui connaissent ont déjà reconnu les symptômes, moi pas...</p>
<p><img src="http://45nord.net/public/Aquarelles/.2019-05-07_18.02.16-2_m.jpg" alt="Aquarelle en devenir à l'hôpital" style="display:table; margin:0 auto;" title="Aquarelle en devenir à l'hôpital, mai 2019" /></p> <p>Et ça n'est qu'après avoir appelé ma voisine que je suis ses conseils immédiatement : je vais à l'urgence. J'attrape téléphone, ordi, chargeurs, passeport et mon aquarelle, je ferme la maison, en me demandant tout de même si j'accomplis ces gestes pour la dernière fois et je me mets en marche.</p>
<p>Oui, à pieds, c'est tout près et à la moindre difficulté en route, j'appellerai mes voisins. <em>(Ne faites pas ça chez vous.)</em></p>
<p>À l'urgence, l'énoncé de mes symptômes me fait immédiatement assoir en chaise roulante et entrer rapidement : infarctus, thrombolyse puis évacuation vers Bastia à 100 km de là. Le temps est trop mauvais pour l'hélicoptère, ce sera en ambulances, des pompiers jusqu'à Ponte-Leccia et du SAMU jusqu'à Bastia.</p>
<p>Le lendemain, c'est la coronarographie, qui consiste à faire rentrer une sonde par le poignet dans l'artère jusqu'au cœur avec une caméra. Désagréable mais pas trop douloureux.</p>
<p>J'ai donc été pris en charge rapidement, autant à Calvi qu'à Bastia, par des personnels soignants efficaces et dévoués que je remercie chaleureusement.</p>
<p>Ceci dit, est-ce si étonnant que ce soit au moment, après un hiver démoralisant, où je n'ai plus le cœur à grand chose, que celui-ci se manifeste? À moi d'apprendre à m'en servir, un peu plus, à aimer plus, à trouver activités, rencontres et engagements qui le nourrissent, moi qui ai tant agi en suivant des objectifs moins personnels, souvent en mission, voire sacrificiel.</p>
<p>Et j'ai de quoi le faire, quand je vois le nombre de messages d'encouragement, d'inquiétude, d'appui, d'amour que je reçois depuis dimanche de tant d'amis!</p>
<p>Alors merci : merci à toutes celles et ceux qui m'entourent, aux aides-soignants, infirmières et médecins qui m'ont rattrapé au vol, merci à la Vie de m'offrir un tour de plus. J'ai pas encore tout compris de ce que je faisais là, mais je continue à explorer, avec vous.</p>
<p>Merci</p>http://45nord.net/index.php?post/2019-05-08-Pret-Partez-Patratas#comment-formhttp://45nord.net/index.php?feed/atom/comments/3